La fresque des Ateliers de la Liberté, c’est elle. La nouvelle façade de la salle de concerts d’Art’Cade à Sainte-Croix-Volvestre, c’est elle. Ces T-shirts qui respirent la nature, c’est elle aussi. Rencontre avec Caroline Roméo alias P.pite.
Nature fragmentée, humanité suggérée, géométrie toute symbolique, quand la dynamique graphique invite au rapprochement. À travers ses créations, P.pite raconte un monde pétri de paradoxes, dit le rapport parfois effrayant de l’Homme au vivant sacré qui l’entoure. Artiste des passerelles et de la contemplation, conteuse de l’énergie farouche du végétal et de ses ramifications, de l’animalité sauvage, de la musique donnée à voir, Caroline Roméo chemine aux lisières de l’imaginaire à feuilles et mycorhizes. Retour sur son parcours, sur la genèse de son travail de relooking d’Art’Cade et sur ses projets.
Parcours d’artiste.
Si P.pite passe naturellement du pochoir au graffiti, du pinceau au Posca, du design mural au collage, de l’encre à la performance peinture/musique live, c’est avec, toujours, cette sensibilité évidente. Sensibilité charnelle en fil conducteur depuis ses débuts même si, dans son approche de l’art, il y a eu de l’évolution. Du changement. Glissement vers un apaisement brassant souplement les esthétiques. Classe préparatoire à l’école des Beaux-Arts de Bayonne puis Beaux-Arts à Toulouse, passage par l’hôtellerie, la restauration, la peinture en bâtiment, la création de l’entreprise P.pite – une ligne de vêtements en coton certifié biologique et issu du commerce équitable, sérigraphiés de ses peintures et graphismes –, des pochettes d’albums et d’identité graphique pour des artistes comme Mampy, Archibald ou Guilherme Rodriguez, des affiches et des flyers pour le Festival Boum Boum Banana, les couvertures et illustrations de recueils de poésie de Pierre Mélendez, le visuel de la scénographie du festival la Bohème, la couverture du programme d’Art’Cade – et la réalisation de la nouvelle fresque sur la façade de la salle de concerts de la SMAC à Sainte-Croix-Volvestre.
Art’Cade relookée.
La façade d’Art’Cade commençait à donner quelques signes de fatigue. Poussée par l’envie de la voir renaître, l’association s’est tournée vers P.pite. Le résultat, fruit d’un travail collectif des salariés, des bénévoles et de Cruxéens, transforme l’expérience du concert en une fresque XXL.
P.pite : « Je voulais partir du logo d’Art’Cade. J’ai jeté des mots en vrac. Art’Cade : musique, couleurs, émergence de la culture, diffusion, propagation, rencontre, lien, musique. Ariège : espace préservé et naturel, rural. Donc : diffusion de la musique actuelle dans un espace naturel. Pour la représentation de la végétation, j’ai utilisé une plante liée à la propagation : le liseron. Une plante grimpante, résistante, invasive. Sa symbolique dans l’Égypte ancienne est la fertilité, la renaissance, le passage. Passage entre le sol et le ciel. Parfait pour le culturel. « Le liseron est la faiblesse s’entortillant autour de la force et, en échange de sa protection, l’entoure de grâce et de beauté ». Il y a aussi un coquelicot. Le coquelicot, c’est la régénération. C’est également un léger somnifère. Ça apaise, ça appelle au rêve. Tout comme le liseron : quelques graines sous l’oreiller empêcheraient de faire de mauvais rêves et détendraient profondément. Avec la forme des feuilles, je passe à quelque chose de plus graphique. Le triangle, symbole d’harmonie et de direction, donne du rythme. En géométrie sacrée : c’est aussi le lien entre la terre et le ciel. Ensuite, le cercle (logo d’Art’Cade), forme que l’on retrouve dans les instruments – guitare, trompette, grosse caisse, vinyle. Partout dans la musique. Elle évoque l’énergie, la circulation de l’énergie qui se concentre en son centre. Les triangles, les cercles, le logo d’Art’Cade… Je compose mon dessin au fur et à mesure. Je travaille le rythme. Je veux quelque chose d’hyper-rythmé : les triangles qui fragmentent d’en bas à gauche et s’envolent en haut à droite vers le nom Art’Cade au-dessus de la porte d’entrée. Ça donne un sens de lecture et d’arrivée des publics. Il y a aussi le rythme des couleurs. Là, je choisis un fond bleu nuit, bleu profond. Pour accentuer la profondeur et rappeler le côté sombre d’une salle de concert. Évoquer à l’extérieur ce que l’on va retrouver à l’intérieur. D’ailleurs, les musiciens parlent de couleurs lorsqu’ils évoquent une voix ou la tonalité d’un instrument. Ces couleurs, sur la fresque, ce sont des feuilles plus épurées qui se transforment en triangles et s’envolent comme des notes de musique. Après, je travaille sur l’agencement pour garder la cohésion. J’ajoute une bande horizontale, un chemin ou une partition… Peut-être un clavier ou un piano… Finalement, c’est resté neutre. Lors de la réalisation de la fresque, les idées fusaient. Nous avons abouti à un visuel évoquant le sommeil, le rêve, le songe, la nature. Quelque chose d’un peu surréaliste. On reste poétique. Les fleurs donnent un côté pop avec l’orange. Je pense à un vinyle qu’on sort de sa pochette. Mais je ne voulais pas trop insister, pas trop illustrer l’histoire. »
Une actualité ?
« Des ateliers de création de Cajon – des percussions afro-péruviennes – à destination des enfants, avec moi, donc, et Carlos Betancourt. Sur 3 à 5 jours, nous partageons l’histoire de l’instrument et invitons à une immersion dans cette culture à travers ses rythmes, ses mythes et ses symboles. Durant l’atelier, nous proposons de fabriquer un instrument à partir de matériaux de récupération afin de sensibiliser les jeunes à leur environnement. Les participants sont également initiés à la lutherie et à l’ébénisterie. Pour la décoration des Cajons, nous nous inspirons de thèmes Incas, mais aussi de la richesse de l’artisanat péruvien. Nous utilisons diverses techniques picturales : crayon, peinture acrylique, vernis, Posca. Pour finir, une initiation à la percussion est proposée en jouant les rythmes péruviens Festero et Zamacueca. Et les musiciens repartent avec leur Cajon ! »
Contact et informations : caromeo09@yahoo.fr ou 06 68 54 01 55. Facebook : facebook.com/P.piteART.